Nous y voilà. En pleine nuit noire. Dans l’un des endroits sordides du village, à une heure où les pires films d’horreur sont tournés. Je n’ai pas la frousse. Je suis même excité à vrai dire. C’est la première mission qui représente quelques intérêts en fait. Surveiller une porte où des ennemis pourraient s’introduire. C’est le genre de situation qui peut amener à du combat. Du vrai combat. Depuis le temps que je suis Génin, on n'a eu droit qu’à des missions banales. Sans vraiment de danger. Ouais ! En gros je n’ai jamais fait de combat où ma vie en dépendait. Ouais, je sais je suis une pauvre merde. Mais ce n’est pas ma faute, c’est ce fucking Ji-San. C’est lui qui refile les ordres. Un jour je vais lui prouver qu’on est de vrais ninjas.

Du coup je suis là. À attendre tout seul. En pleine nuit, avec pour seule compagnie un pauvre lampadaire. Je dois dire que maintenant oui, j’ai un peu la frousse. J’entends des pas. Qui se rapproche. C’est quoi ? C’est qui ? C’est où ? Ahhhhhhh je vais mourir. Non je suis trop jeune. Je suis trop doué, je suis trop moi. Vous ne pouvez pas. Après mes coéquipiers vont me venger, enfin je crois. Mon sensei aussi, enfin, je crois aussi. Vous allez être dans la merde. Je commence à faire des pauses bizarres sous ce lampadaire. On va me prendre pour un fou. On me tapote l’épaule. Je suis mort.

♦ Daisuke, c’est moi.
♥ Ahhhhhhhhhhhhhhhh !

Puis là je sens la main que je connais que trop bien venir me réchauffer ma joue. Ouai c’est bien elle. Fuu. Je crois pourtant que c’est la plus grosse bouffe qu’elle m’est jamais mise. Pourquoi elle a fait ça ? Disons que mon cri d’angoisse lui a fait la peur de sa vie. Elle contre la peur, elle cogne. Du coup ça m’a remis les idées en place. Ouai, parce que maintenant je suis tout seul avec la miss. Mi Amor. Drague power activé. Elle est là, appuyée contre le montant du lampadaire. J’arrive. Mais trop tard, cet enfoiré de Ryu est arrivé. Il ne peut pas faire son entrée genre cinq minutes plus tard non ? C’est trop lui demander. Je suis énervé. Du coup je reste à l’écart et je boude comme un gamin, que je suis. Puis les derniers bruits de pas se font entendre. Le dernier rempart est là. La mission peut débuter.

♣ Yo !

Il nous sort ça d’un air le sensei. On ne dirait pas que c’est un Jonin d’exception.

♣ Oh … Mais tu boudes mon petit Daisuke. Un problème ?
♥ Aucun.

Je lui réponds sur un ton sec, détournant de même mon visage pour ne plus être en face de lui. Ça le fait sourire lui. Il a toujours le sourire aux lèvres de toute façon. Le jour où je lui mettrais une raclée, il fera moins le fier. [ Vision intérieure de moi-même en feu] Je mets alors mes mains dans mes poches et on se dirige tous vers la porte qui n’est vraisemblablement plus de ce monde. Le sensei nous explique alors un peu plus en détail la mission. Puis on reste là, à surveiller la porte. Comme le ferait une vigie sur un bateau pirate à scruter l’horizon. L’endroit est plutôt bien éclairé. Presque comme si on était en plein jour. L’attente dure depuis des heures déjà. Moi qui croyais qu’on allait avoir de l’action je me suis carrément gouré. Je suis un gros impatient oui. On est ce qu’on est. Ryu et Fu papotent entre eux. Ça me met un peu plus en rogne, mais sans plus. Du coup je me mets en quête d’une distraction. Je scrute un peu les environs et la seule chose que je vois, c’est le barbu de sensei. Ma déception est lisible sur tout mon être. Mais plutôt que rester là à ne rien faire, allons-y.

♥ Sensei … Je m’ennuis. Je croyais qu’on allait enfin combattre cette fois ?
♣ Ahah. N’est-ce pas mieux ainsi ?
♥ Non ! Je veux me battre, c’est pour ça que je suis devenu Ninja. Si je ne me bats pas, comment pourrais-je devenir plus fort ?
♣ Tu as bien le temps de te battre Daisuke. Les jeunes comme toi ne devraient pas combattre mais seulement jouer comme le ferai des enfants.
♥ Je ne suis plus un enfant. Vous verrai un jour, je serai plus fort que vous et là vous me respecterais.
♣ Ahah [ Il me balance un nouveau rire en me posant sa main sur ma tête, la dirigeant comme un vulgaire insecte. ] Regardes cette lune, n’était-elle pas magnifique ?
♥ Ouai c’est vrai que c’est joli.
♣ Alors assied toi et profite. Ton heure viendra Daisuke. Sois patient.

Je m’exécute, comme tout gamin écoutant son père. Je pose mes fesses à côté des siennes et j’observe l’astre qui nous surplombe. C’est vrai que c’est beau.

Les minutes passent et notre tour de garde est bientôt terminé. Rien ne s’est passé. Je me suis résigné. J’en suis même presque content. Le fait que personne ne soit venu, signifie que le village ne risque rien. Et ça c’est plutôt sympa. Mon Dieu je crois que je suis en train de devenir comme ce vieux Ji-Sans de sensei. Mais les choses ne vont pas se passer aussi facilement. Nous sommes maintenant tous là, en train de regarder la lune qui décline. Un truc cool, sûr. C’est là qu’une ombre est passée devant la lune. Qu’est-ce que c’était ? Un chat, une feuille, un ennemi ? Brusquement Hayate se lève. Il est inquiet ça se voit. On le voit tous.

♣ On dirait que tes espoirs vont se réaliser Daisuke. Il arrive, soyez prêt. Voici votre premier entrainement en conditions réelles.

À l’entente de ces mots, je suis comme bouillonnant. Moi apaisé que rien ne se passe . Vous m’avez pris pour qui ? Enfin de l’action, je n’y croyais plus. Notre formation se met vite en marche, en ligne on retrouve Ryu à gauche, Fu au milieu un peu plus en retrait et moi à droite. On attend. Mais ça ne sert à rien d’attendre. Du moins c’est ce que je pense. Je suis bien trop impatient. Je suis trop inconscient. Comme un gamin de dix ans je fonce tête baissée. Personne ne me suit. À vive allure, un kunai me vient droit dessus, je pare avec l’un des miens. Puis je le vois enfin, il me vient droit dessus. L’heure de l’affrontement est arrivée. Je suis au bord de la rupture, tant mon excitation est grande. Nos corps se rapprochent. Il est à porter de vue, mon regard le sonde, finissant dans le sien. C’est là que les ennuis commencent. Quand j’aperçois ses pupilles, j’y vois sa haine, sa force, sa férocité, son envie de me tuer. J’y vois ma propre mort. Tous mes membres se figent, je suis paralysé. Pas par un genjutsu ou autres. Juste par ma propre peur. Je vais mourir.

Il est si proche de moi maintenant, mais moi je ne suis plus là. Tout est déconnecté, comme si la faucheuse est déjà venue me prendre. J’entends les cris de mes coéquipiers, mais rien n’y fais. Son kunai va m’égorger et je suis là comme un mannequin sans vie. Mais Ryu est bien plus efficace que moi. Sa marionnette vient parer le coup de mon agresseur. Il le blesse, simplement. Désorienté, l’inconnu se fait ensuite attraper par le Sensei qui de son doton le met hors-jeu. C’était une petite frappe mais je suis resté là, sans pouvoir rien faire. Mes deux compères se jettent sur moi. Me laissant dans mon état actuel encore quelques secondes. Une autre gifle de Fuu me sort de ma stupeur. Quelques instants me suffisent pour reprendre mes esprits et réaliser ce qui vient de se passer. De retour à la réalité, des larmes coulent de mes yeux sans que je ne puisse les arrêter. Je me sens si faible. Comment ?!! Pourquoi moi qui parais si fort, j’ai pu être aussi minable ?!! Je m’en veux, genoux à terre je ne peux m’empêcher de frapper le sol de mon poing. Arrêtant quand le sang chaud dégouline de mes doigts. Je relève alors la tête, Ryu me regarde de haut. Son seul soupire démontre bien ce qu’il pense de moi. Fuu pleur de voir ma main dans cet état et sort de suite un bandage de sa trousse. Chose que je décline de mon autre main. J’ai trop de haine envers moi pour recevoir de l’aide. De nouveau sur mes deux pattes, je n’ai de cesse de serrer mon poing. Comme si je pouvais serrer cette peur dans ma pomme et la broyer. Hayate-sensei vient alors, l’assaillant sous le bras. Sa main vient servir de couvre-chef à ma chevelure.

♣ Notre garde est finie. Aujourd’hui, tu as eu ta première leçon en tant que Ninja Daisuke. La prochaine fois, tu comprendras. Allons-nous reposer.